Mes 10 jours de retraite - Par Anne

Voici, après quelques semaines et à la demande de plusieurs d'entre vous, mon expérience de la retraite de 10 jours de méditation que nous avons réalisée au début du mois de janvier.

Je pensais, avant cette retraite, cultiver et appliquer dans ma vie quotidienne une certaine "Zen Attitude" : pratique du yoga, lecture d'ouvrages sur la conscience de soi, sur la méditation, sur le bouddhisme, réflexions personnelles sur mon mode de vie et sur mes réactions dans certaines situations, etc. Je croyais donc que cette retraite de méditation, initiée par Jérôme, serait comme un prolongement à ce mode de vie que j'ai depuis plusieurs années, une étape dans ma "conscience de moi".

Ce qui suit est tiré à la fois de mes impressions écrites à chaud dans mon carnet de voyage le jour de notre sortie, et de mes réflexions à froid, dont certaines discussions avec Jérôme ou messages que vous nous avez envoyé ont alimenté.

Comment dire... Je n'étais pas prête ? Je ne m'y attendais pas ? Je n'étais pas dans le bon état d'esprit ? Je ne sais comment exprimer ce que j'ai ressenti au bout des 10 jours. On nous avait dit "vous êtes fous!" "Vous êtes courageux" (ce qui finalement revient au même...) "Vous allez vois ça va être dur" "Il y a des hauts et des bas".

Ces 10 jours ont été durs, particulièrement les 5 premiers jours : j'ai voulu partir tous les jours. Je ne savais plus si rester était un signe de courage et de pugnacité, ou un signe de lâcheté de quelqu'un qui n'arrive à pas prendre de décisions. Après le Jour 5, ça a été dur, mais la première moitié était passée et dans ma tête, c'était le compte à rebours : plus que 5 dodos, plus que 4 dodos, 3 dodos, 2 dodos, 1 dodo. Pour tenir le coup et prendre du recul, je me disais parfois que j'étais une journaliste en reportage dans un centre de méditation. Le Jour 10, je croyais que c'était la fin, dans le sens que nous allions quitter le centre de méditation. En fait, c'était la fin du "Noble Silence", on pouvait donc reparler après 10 jours de silence. Quand j'ai parlé la première fois, ma voix chevrotait et je ne sais pas si c'était l'émotion qui remontait ou si c'était les 10 jours de silence qui avaient endormis ma gorge. Je ne comprenais pas ma réaction car, alors que tout le monde semblait joyeux, moi j'avais les larmes aux yeux. Je ne devais pas être la seule ! 3 filles étaient parties au cours de la retraite. J'en parlais à d'autres filles dont ce n'était pas la 1ère retraite, et peu à peu, je compris que je n'étais par la seule à ressentir ce genre de trouble "dans le monde Vipassana" : parfois c'est de l'angoisse, d'autres fois des nausées, ou encore de la joie.

Que s'est-il passé ? C'est l'histoire d'un flocon de neige qui se transforme en boule de neige qui grossit, grossit. Plusieurs choses anodines sont devenues un gros poids, et pas moyen de m'en sortir seule : pas de moyen de distraction (livre, TV, Internet) ou de communication ("Noble Silence"). J'aurai pu en parler au professeur et aux managers, mais bien qu'ils vivent aux USA, leur anglais était très limité, tout comme le mien. Je crois que c'est ce point qui a été le plus dur et le plus frustrant : ne pouvoir communiquer dans un moment de détresse, même auprès des seules personnes avec qui j'étais en droit de parler. Donc d'être seul avec soi-même, volontairement, sans moyen de distraction et de communication (Quelle angoisse ;) ).

J'ai bien fait de rester, j'en avais besoin et j'en ai toujours besoin.

Les séances de méditation, 11h par jour, se sont bien passées. J'ai appris à oublier mes douleurs de dos, de jambes, et surtout j'ai réappris à me concentrer, qui plus est sur soi-même. C'est parfois difficile : une fois, alors que le professeur nous disait de nous concentrer sur les sensations ressenties dans notre corps, mon épaule s'est transformée en banane (dans mon esprit bien-sûr...). Mon esprit créait souvent des images que je ne voulais pas, comme la banane, et il y en a eu beaucoup d'autres aussi bizarres ! Au bout d'un certain temps, j'ai réussi à me concentrer, à rester immobile pendant une heure, à ressentir des "sensations subtiles". J'ai aussi beaucoup pensé et réfléchi. Au passé, au présent, au futur, à la famille, aux amis, aux collègues. Soyez sûrs que j'ai pensé au moins une fois à vous ! Certaines réflexions étaient très profondes, et alors les sentiments sont exacerbés : grandes joies, grandes peines. Des zones sombres se sont éclaircies.
Chaque jour, nous pouvions rencontrer personnellement le professeur pour poser nos questions. Certes, la communication était limitée à cause de la barrière de la langue dans mon cas, mais quelque chose m'a frappé : lorsque je me retrouvais proche du professeur, il dégageait une telle énergie que j'oubliais mes douleurs, ma frustration, et j'en oubliais presque ma question !  Je me sentais intimidée par cette aura chaleureuse et réconfortante.

Que m'ont apporté ces 10 jours de retraite de méditation ?
Le fait de se consacrer 24h par jour pendant 10 jours à soi-même est une expérience unique, que le yoga ou la lecture de livres n'auraient pu m'apporter. Les premiers jours sont difficiles, mais après, on devient presque accro ! On se concentre sur soi, cette concentration entraine inconsciemment une forme de méditation qui nous apaise à plus ou moins long terme, selon les jours. J'appréhende également certaines situations autrement, avec plus de patience, d'acceptation.

Y'a-t-il un changement profond à long terme ?
Un mois après cette retraite, nous continuons à méditer 2 fois par jour pendant une heure. Ce n'est pas aussi facile qu'au centre Vipassana, parfois on est concentré pendant une heure, et parfois au bout de 20 min on se retrouve avec les yeux grands ouverts.
Je ne sais pas encore s'il y a un changement à long terme. C'est difficile à dire étant donné que nous sommes en voyage. Ce que je sais pas contre, c'est que cette expérience m'a ébranlée. Plusieurs jours après la fin de la retraite, je me sentais vide, fragile, comme si une carapace était tombée.

Suite à nos expériences personnelles de cette retraite, très différentes, nous avons décidé, pour des raisons également propres à chacun de nous 2, de participer à une nouvelle retraite de méditation de 10 jours avant de reprendre le rythme du travail, une retraite dont la langue principale sera le français ! Ce sera pour moi l'occasion de mieux intégrer les principes de la méditation Vipassana et de poser toutes mes questions au professeur, sans la barrière de la langue.

Anne

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

En Chine, prendre le bus ou le train est toute une aventure

Cyclotourisme, en route vers Europa-Park ! Suisse, France, Allemagne - 30 juillet au 12 août 2023

Avis aux célibataires !!!!